• 2014-12 Nav. Brava -> Martinique

    2014-12 Nav. Brava -> MartiniqueÇa y est, nous sommes arrivés le 23 décembre à 7h30 UTC à Martinique
    Après 18 jours et 16h15 en mer 2134 Miles Nautique soit une moyenne de 4.76 nœuds

     

     

     

     

     

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    Point vu d'Eric :

    Brava le jeudi 4 décembre à 16h15 UTC : on part pour la transat. Les derniers fichiers grib téléchargés avec l'iridium donnent de l'ENE3-4 pendant les 2 premiers jours, forcissant 4 à 5 ensuite.

    Idéal... sauf qu'on aura du travers force 5 pendant les 2 premiers jours, puis du travers faible à trop faible toute la semaine qui suit !
    Y'a pas à dire, la science météorologique s'est bien améliorée ;-)
    Rien à voire avec la transat d'il y a 13 ans, à la même période, dont j'ai un souvenir de voiles en ciseaux en continu.
    Malgré le vent faible, Atalama arrive tant bien que mal à faire ses 100MN/24h, heureusement que le courant aide. A 2 reprises, le speedo s'obstinant sous la barre des 2 noeuds, nous ferons quelques heures de moteur, plutôt que de laisser les voiles, la bome et tout ce qui fait toc, blam et vlam cogner au risque de s'abîmer.

    Les premières journées de navigation semblent longues, puis un rythme s'installe :
    20h-23h : quart Eric
    23h-03h : quart Corina
    03h-07h : quart Eric
    07h-09h : réveil paisible, petit déjeuner
    09h-10h : petits bricolages, check extérieur (usure écoutes, ragage, jeux...)
    10h-12h : repos/veille alternés en fonction du besoin
    12h-14h : déjeuner, qui se fait de plus en plus light avec le temps
    14h-17h : repos/veille alternés en fonction du besoin
    16h15 UTC : point principal quotidien, calcul des moyennes des dernières 24h et globales. Cà occupe.
    17h-20h : dîner
    La navigation est faite en heure UTC, mais l'horloge du bord est en heure locale. Comme nous allons vers l'ouest, nous retardons l'heure locale de 10mn tous les jours de façon à conserver un coucher de soleil vers 18h30, et dîner avec la fin du jour.
    Jusqu'à cette traversée, l'homme de quart restait dehors et faisait un tour d'horizon toutes les 17mn. Maintenant, une alarme AIS est programmée pour les gros bateaux, et l'homme de quart peut rester dans le carré, et fait un tour une fois par heure pour vérifier l'absence de voilier (sisi, on a déjà vu des coques flirter pendant une transat ;-))
    On lit beaucoup (merci Kindle), on dort, on écoute la musique, on passe l'aspirateur, fabrication du pain tous les 3-4 jours, un petit point de temps en temps, téléchargement de la météo et envoi d'un SMS à la famille avec l'iridium tous les 2-3 jours, et c'est tout. Pour nous, la réception d'un SMS sur l'iridium est un événement !

    10ième jour :
    douche N°3 dans le cockpit, à l'eau de mer, rinçage à l'eau douce, 2.5l par personne suffisent.
    Le temps est tellement chaud et humide que le soir même on est de nouveau tout collants !
    A propos de l'eau douce, nous avons pu refaire l'appoint à Brava une semaine avant de partir.
    Nous avons :
    - 2 réservoirs de 75L pour la cuisine. Un seul sera entamé à l'arrivée en Martinique. Faire la vaisselle à l'eau de mer fait faire d'énormes économies, 1 seul litre d'eau douce suffit pour rincer.
    - 1 réservoir de 60L pour la salle de bain : lavage mains, rasage, toilette. Il sera vide à l'arrivée.
    - 2 jerrycans de 20L remplis aux 3/4 pour flotter. Réserve stockée dans la jupe, à embarquer dans la survie au cas où. :-(
    - 4 jerrycans de 10L pour les douches ainsi qu'un pulvérisateur de jardin de 8L.
    - 120L d'eau de boisson en bouteilles.
    Nous en aurons largement assez.

    11ième jour :
    Enfin du vent ! Atalama renoue avec les 120MN/24h, et la météo est encourageante pour les 5 jours suivants. La moitié du trajet est passée depuis avant hier. Nous l'attendions tellement qu'on avait l'impression qu'ensuite nous serions presque arrivés... mais non, il nous reste encore une semaine à tirer !
    Le temps devient long.

    12ième jour :
    toujours seuls au monde in the middle of nowhere...
    la meteo annonce pas de vent demain soir pendant 2 jours, c'est pas ce qu'on nous a dit hier...

    13ième jour :
    pain N°3,douche N°4, on s'occupe comme on peut.
    Juste assez de vent la nuit dernière pour avancer avec GV +Gênois tangonné + trinquette.

    15ième jour :
    Arrêt du moteur ce matin après 36h ininterrompues. Notre réserve de GO touche à sa fin, il doit nous rester de quoi faire 23h, mais on en garde 10h pour l'arrivée, alors on fait avec le peu de vent qui reste. Aujourd'hui le vent vient, s'en va, revient, joue avec nos nerfs. Pour les nons initiés, il faut savoir que lorsqu'il n'y a pas (suffisamment) de vent, il reste un peu de houle qui fait balancer le bateau d'un bord à l'autre plus ou moins violemment (on dit que le bateau roule). Les voiles, la bome et le tangon cognent, cela rajoute aux mouvements cahotiques du bateau, cela fait un bruit d'enfer très désagréable à l'intérieur, il est difficile de se reposer, et on risque de casser des choses. De plus, pour arranger les choses, le bateau perd son cap en permanence, il faut donc intervenir très souvent si on veut avancer dans la bonne direction. Vous l'aurez compris, C'EST PENIBLE ! Alors depuis quelques jours il m'arrive de faire ma "tête 2 noeuds" quand le speedo passe en dessous de cette vitesse.

    16ième jour : on se rapproche, les routes des différents bateaux convergent. Aujourd'hui, après 16 jours sans voir personne, nous avons croisé la route de 2 voiliers.
    Le premier avait l'air de se diriger sur la Barbade, il venait de la route orthodromique, que nous n'avons pas suivie (plus courte de seulement 14MN). Nous sommes passés plus au sud, Bob le régulateur ayant l'air de préférer cette route là...
    Le deuxième, c'était Quo Vadis, un Pineau (ouioui), plan Harlé rencontré à El Hierro (Coïncidence, nous avions failli acheter ce même bateau à Arzal il y a 3 ans !). Il n'allait pas beaucoup plus vite qu'Atalama, nous avons eu le temps de le voir se rapprocher pendant toute la journée, il était devant le matin suivant. Le problème c'est q'il avait un émetteur AIS qui nous a déclenché des alarmes toute la nuit, jusqu'à ce qu'on décide de la désactiver pour dormir !

    17ième jour : la nuit dernière a été difficile, force 5 à 6 et une mer forte, le bateau à la peine sous 2 ris, pas beaucoup dormi.
    On se sent sales, tous collants, les coussins sont poisseux de sel, tout est humide, sent mauvais.
    Envie d'une bonne vraie douche, la dernière date de La Palma il y a 2 mois !
    Et puis marre de lire, marre de dormir, marre de ces trucs qui ne tiennent pas en place, de ces objets qui cognent dans l'évier si on a la faiblesse de les y laisser, marre de ce scrogneugneu de pachibouzouc de moule à gauffre de machin qui fait TAC ! toc !  TAAAAAAC ! sur une des parois des sieges du carré ou j'essaie de dormir et que JE N'ARRIVE PAAAAAAS A TROUVEEEEER !

    18ième jour : çà c'est de la bonne voile ! Obligé d'empanner plusieurs fois pour ne pas s'éloigner de la route, mais des surfs à 7.5 noeuds (oui c'est pas très rapide, mais pour nous si), un bruit de glisse jouissif, une mer agréable et un bateau bien calé sur sa trajectoire, sans "faire des épaules". Dommage que ce soit la seule fois de cette traversée.
    En fin d'après midi : "APPEL A TOUS APPEL A TOUS APPEL A TOUS, ICI LE CROSSAG ANTILLES GUYANE POUR LE BULLETIN METEO COTIER DU etc...". A pleurer ! On se croirait à la maison. On arrive ! On allume la radio, elle trouve des stations FM ! Volume à fond, nous voilà à danser sur de la zouc dans le bateau, n'importe quoi. Pour sûr, çà change de la morna du Cap Vert.
    En soirée, c'est Quo Vadis le retour, l'AIS nous alarme : Closest Point of Approach (CPA) de 0.8MN, voire 0.0 ! Argh, encore ? Ben oui, il vont en Martinique aussi, alors on suit la même route.

    J'essaie de contacter Loïc car je ne vois pas leurs feux, mais je ne reçois pas leur réponse. Pas grave, de toute façon il ne faut pas que je dorme à partir de maintenant, car nous approchons du Canal de Ste Lucie et je ne tiens pas à me réveiller au son d'un BOUMCRAC. Mon dernier empanage doit nous emmener 2MN au sud de l'ilet Cabris, l'extrémité sud-est de la Martinique. Il reste 28MN, et si le vent monte cela risque de faire loffer Atalama et de nous emmener trop au nord, imposant encore 2 autres empanages. Je compte sur le fait que le vent tourne un peu vers le nord par effet de côte, et coup de chance c'est bien ce qui va se passer. A 6nds de moyenne, Atalama double Quo Vadis, cool, on se fait plus souvent doubler. Loïc me dira le lendemain qu'il ralentissait pour ne pas arriver trop tôt, pffff, mauvais joueur.

    L'arrivée me fait plaisir, on se met dans les sondes comprises entre 200m et 60m, très proches l'une de l'autre, ce qui emmène le bateau jusqu'à avoir le visuel sur les lumières du bourg de Ste Anne. On termine au près, puis approche finale du mouillage au moteur, avec précaution, car ici il y a énormément de bateaux à l'ancre, et il n'y a pas de lune. L'ancre est jetée à 7h30UTC, en Martinique il est 3h30.

    Point vu de Corina : La traversée, totalement différent de ce que j'avais imaginé.

    Il faut admettre que plus le jour de départ approche, plus une petite angoisse commence à monter. Le départ, vent et houle travers et le vent qui se renfoncera dans les jours à venir n'arrivent pas à calmer cette sensation.
    Avant notre voyage, j'avais lu plusieurs récits de traversée sur le net. J'avais également échangé des avis avec des personnes que je connais et qui l'ont déjà fait. Beaucoup d'entre eux parlent également de mal de mer, les premières jours, ce qui ne me rassure pas non plus.
    On pourrait dire que j'ai déjà passé 6 jours en mer, ça va être la même chose, uniquement un peu plus longtemps, mais rien
    à faire, j’angoisse.

    Le 4 décembre, après avoir pris une douche, la météo et avoir amené la poubelle à terre, Eric nettoie et range l'annexe, je prépare des crêpes ainsi que du gratin avec tous nos légumes frais. Dommage de les perdre avant de les avoir mangés. Eric doit assurer la cuisine (facile et rapide) pendant la traversée, je ne peux pas lui demander de faire un plat sophistiqué dès le départ ! Et il est temps de piocher dans nos resserves. Nous n'avons pas encore entamé les conserves achetées en France ou au cours de la route, suffisamment de variation pour éviter de manger 2 ou 3 fois la même chose.
    Concernant les fruits frais, le choix est restreint à Brava, et le temps fait que ça se conserve difficilement. Avec des restrictions (1 ou 2 par personne et par jour, dur dur), nous terminons finalement notre dernier fruit le 20 décembre !
    Malheureusement nous avons perdu certains oranges, papayes et pommes, trop mûrs ou trop abîmés. Pour assurer notre quota de vitamines, nous terminons notre voyage avec des boîtes de fruits au sirop et des jus de fruits en brique.

    Eric assure les manœuvres, j'arrive à faire mon quart, à surveiller de temps en temps pendant la journée et mon angoisse disparaît rapidement. C'est déjà çà ! en plus pour l'instant je ne suis pas malade. Faut dire que mon homme fait tout pour, il a changé un peu le cap pour qu'on sera plus confortable, tant pis qu'il faut faire quelques milles de plus.
    2014-12 Nav. Brava -> Martinique
    Le plus de temps on passe en mer, le plus la mer se calme, contraire aux prévisions de météo. Régulièrement Alizée part prendre du thé chez sa copine sans laisser suffisamment de vent pour qu'on puisse avancer à la voile correctement. Rien à voir avec ce que j'ai attendu : "décembre est le bon mois pour traverser, le vent ne sera ni trop fort, ni trop faible, c'est cool tout le 2014-12 Nav. Brava -> Martiniquetemps du vent et la houle arrière, les voiles en ciseaux qu'on n'a pas besoin de toucher etc.", tu parles... Nous sommes donc obligés de mettre régulièrement le moteur en route au point qu'Eric doit jongler avec la consommation, les nombres de tours maxi à ne pas dépasser, les heures restantes pour pouvoir arriver au port etc. etc. Sans oublier les voiles :
    envoyer et enrouler le Génois, tangoter, détangoner, trinquette ou non, empanner le GV, demander à Bob (notre régulateur) de changer le cap. Eric essaie d'appeler Alizée de se montrer et de se tenir comme un homme mais rien ni fait !

    Seul grand avantage pour moi, mer calme = pas de mal de mer ! Petit à petit, j'arrive à faire plus que de dormir, écouter de la musique, lire (heureusement) et surveiller l'horizon. Je peux préparer le petit déjeuner, faire la cuisine le midi et le soir (à couper quelques oignons et à réchauffer des plats pré-prépares), préparer du pain et prendre une vraie douche tous les 2/3 jours. Mais malgré ça, je suis quand même très restreinte dans ce que je peux faire. Je n'aime pas ! Atalama bouge, impossible de faire des simples bracelets en tissue, de faire un peu d'ordinateur pour trier mes photos ou pour préparer notre carte de vœux pour la fin d'année sans sentir des nausées apparaître. Après plusieurs jours en mer, je commence à avoir envie de bouger, de faire des choses, d'être à nouveau active dans la vie, au lieu d'attendre passivement que le temps passe.

    Le ciel est souvent nuageux et très humide. Nous avons reçu à plusieurs reprises de la pluie sur nos têtes ! Et quand le soleil vient, ça chauffe vite (moyen 30°C à l'intérieur) mais sans vent ça devient rapidement très étouffant. Hâte d'arriver à terre, afin de pouvoir prendre une glace ou pouvoir nager entre les poissons pour se rafraîchir.

    2014-12 Nav. Brava -> Martinique2014-12 Nav. Brava -> MartiniqueConcernant les animaux, nous avons passé beaucoup de temps à l'intérieur, ce qui bien sûr réduit la chance de voir des animaux marins passer devant, à côté ou près du bateau.
    Hormis quelques oiseaux et les poissons volants, sans surprise, certains d'entre eux terminent leur voyage sur le pont, un a même réussi à entrer à l’intérieur en atterisant sur le sol après avoir passé par le hublot ouvert et avoir rebondi sur la table
    à carte. Quelle précision, ça c'est de la classe ! Il a de la chance, car nous le remettons rapidement à l'eau. Nous avons vu à plusieurs reprises des dauphins (entre autres des globicéphales, dauphins tacheté), quelquefois pendant quelques secondes ou quelques minutes, mais également une fois pendant plus d'une demi-heure, en train de faire des pirouettes à l'étrave. Ça reste magique à voir.
    Une physalie d'environ 30 cm est passé également près du bateau, très urticante mais beau à voir avec sa pochette translucide et son panache fluorose.

    2014-12 Nav. Brava -> MartiniqueBien sûr j'ai essayé de pêcher un peu, mais pas les 4 premières jours en mer. Finalement j'ose à mettre mon para-vanne à l'eau, il fonctionne bien et je suis presque sur de pouvoir manger du poisson au menu ce soir. Mais quelques heures plus tard, au moment que nous prenions nos douches, nous constatons que quelqu'un à manger ma ligne de pêche ! Il ne reste plus rien au bout ggrrrrr. Oké je peux toujours mettre la ligne de thon à l'eau, mais j'ai peu d'espoir. Car jusqu'au maintenant il n'a jamais fait une touche. À notre grande surprise, quelques jours plus tard, une belle dorade coriphenne morte. C'est la fête, c'est la fête !
    2014-12 Nav. Brava -> MartiniqueC'est la seule pêche que j'ai faite, car rapidement il devient impossible de pêcher. La mer est tapissée de sargasses qui s’accrochent à la ligne. Tu pourrais penser que les algues veulent dire "on approche de la terre" mais personne ne nous a dit qu'il y a un îlot quelque part en plein océan entre Brava et Martinique.

    Nous croissons peu de monde sur notre trajet, est-ce parce que nous sommes partis de Brava ou parce que nous prenons une route un peu plus au sud que prévu ? Un cargo jour 2 et jour 10 et 2 voiliers le jour 16. C'est tout.

    2014-12 Nav. Brava -> MartiniquePour moi, la traversée fut divisée en 2 parties : du départ à mi-trajet, qu'est arrivé à mon égard rapidement et a réellement eu lieu le 13 décembre, après un peu plus de 9 jours en mer, et de du mi-trajet à Martinique, qui a pris selon moi 3 fois plus de temps. Il semblait que le compte à rebours restait coincé très longtemps à J-7 ! Les 2 derniers jours, Alizée a retrouvé sa voix, le vent souffle à nouveau et avec 2 ris, nous arrivons à Martinique.

    2014-12 Nav. Brava -> MartiniqueHormis ça, pour beaucoup de personnes, faire une traversée, c'est un rêve, un challenge. Cette 1re traversée pour moi était plutôt calme, avec quelques moments s’ennuie, les dernières journées avec un ras de bol des mouvements constants du bateau mais également avec des moments de vrai bonheur. Par exemple quand on ouvre un message écrit de nos familles ou nos amis, nous regardons le coucher du soleil, ou le ciel étoilé en essayant de déchiffrer la galaxie, le moment quand on passe le moitié du trajet, ou encore tout bêtement, être assis sur l'hiloire en train de brosser les dents en écoutant la musique d'Abba "Take a Chance on Me".

    Je n'ose pas encore à penser à la traversée de retour, mais je sais que ça ne presse pas. Nous allons d abord passer quelques mois aux Antilles. Donc je m'en soucierais plus tard.

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